A l’assaut des banques : G20, anti-capitalisme, violence et propagande

, par Nico Melanine

Bref retour sur la manifestation du 1er avril organisée en marge du G20 dans le quartier financier de Londres, ses causes politiques - largement ignorées - et la violence - longuement relayée - qui y aurait sévi.

Qu’aura-t-on retenu des 2 jours de protestation organisés en marge du G20 dans la City de Londres ? A l’exception de l’implication de la police dans la mort d’une personne, c’est principalement la “violence” de certains manifestants qui a fait les gros titres. Rien de passionant ni de très nouveau, donc. Rien de plus en tout cas ne sera rapporté par les médias traditionnels, d’un côté comme de l’autre de la Manche.

Beaucoup déjà ont dénoncé le spectacle de la violence étalé dans les journaux, et qui ne surprend plus. C’est avec une continuité et une incompétence professionnelle remarquables que les journalistes ont en effet évité de mentionner les raisons politiques de ces protestations, les aspirations ou les causes portées par les manifestants.

En donnant dans l’autocritique, on pourra faire porter une partie de la faute aux individus et aux groupes participants, qui n’ont peut-être pas fait assez d’effort pour faire passer un vrai message politique alternatif au public. Une manifestation est un regroupement collectif qui représente beaucoup de choses positives et qui envoie un message important, mais avec l’aide du système médiatique elle peut aussi rapidement devenir un spectacle en soi, et peut se révéler limité dans son message.
Certes.

Il n’en reste pas moins que le message politique était réellement présent dans tous les cortèges et sur tous les sites de protestation, mais qu’il n’a jamais été rapporté par aucun média. En aurait-il été autrement si les vitres de la Royal Bank of Scotland n’avaient pas été cassées et si quelques ordinateurs n’avaient pas été saccagés ? Non. Les journalistes sont partie prenantes du système, et ils ne le remettront jamais en cause dans leur reportage. Interroger la validité du système capitaliste – et c’est bien là ce qui était au cœur de ces protestations – ne sera jamais de l’actualité pour les médias.

Dans les premières heures du mercredi 1er avril, alors que certains groupes anarchistes organisaient des piquets devant des banques en distribuant des tracts sur la violence du système capitaliste et sur des modes de gestion alternatifs de la société, peu de journalistes sont venus poser des questions ou ont eu l’envie de faire un reportage sur ces groupes ou leurs idées. C’est dommage. On aurait pu leur expliquer qu’un système basé sur la hiérarchie et l’autoritarisme, sur l’existence de classes inégales, sur la domination et l’oppression, qui exploite une majorité de gens et qui pille les ressources de la planète dans le but de rapporter des profits à une minorité de gens, ça c’est violent. La pauvreté, la famine, l’oppression, les déplacements forcés de population, la détention, la répression, ça c’est violent. Mais trois fenêtres et deux ordinateurs cassés d’une institution qui fait des profits sur le dos des gens, les enfonçant dans des dettes qu’ils ne peuvent pas rembourser et les expulsant de chez eux, non ça n’est pas violent. C’est normal, c’est légitime. C’est la moindre des choses, c’est même peu.

Avant le début de la manifestation, on aura bien vu le reporter de la BBC2, filmé par son cameraman, débattre avec un protestataire des façons de changer la société, pendant environ 5 minutes. Dans le journal du soir, il aura préféré se mettre en scène devant un cordon de police, coincé entre des manifestants, pour mieux rendre compte de « l’ambiance » de la manifestation…

Quoiqu’il en soit, le caractère politique de ces manifestations était affirmé, un peu partout, et un peu par tous. Parmi les bannières affichées au rassemblement devant la Banque d’Angleterre dont le mot d’ordre était “prenez les banques d’assaut”, on pouvait lire “capitalism kills, kill capitalism”, “money lenders out”, “abolish money”, ou encore “property is theft”.

Deux rues plus loin, le Climate Camp s’est installé devant le bâtiment du European Climate Exchange, sur Bishopsgate, pour dénoncer les effets du changement climatique causé par la course aux profits des institutions capitalistes. A l’aide de tentes pop-up, ils se sont accaparés la rue en quelques minutes, malgré l’intervention de la police qui tentait de les encercler et de les en empêcher. Le campement s’est rapidement installé, les bannières et graffitis ont fleuris, des ateliers sur des thèmes écologiques ont été organisés tout au long de l’après-midi, le tout sur fond de musique (douteuse) et dans une atmosphère quelque peu (voire franchement) hippie.

Voilà un autre des points que l’on pourra retenir de ces journées de manifestations. Pendant près d’une journée, les protestataires se seront réappropriés les rues de la City, le quartier financier de Londres également appelé le Square Mile. Un des slogans chantés alors que la police tentait de repousser les protestataires ou de les contenir dans une zone donnée résume bien cela : “Whose streets ? Our streets !”.

Un moment de la journée le résume bien aussi. En marge de la manifestation principale, contenue par la police avec sa fameuse tactique d’encerclement, un groupe de manifestants a réussi à contourner un cordon de police pour marcher à vive allure dans les rues de la City. Pendant près de 10 minutes le groupe a arpenté les rues, passant aux abords d’une branche de la banque HSBC endommagée, poursuivi par des policiers essoufflés, ne sachant que faire, tentant désespérément de protéger les vitrines des institutions du capitalisme financier.

Cela peut paraître peu et vain, et l’est sans doute, mais bien que limitée cette réappropriation était déjà le début de quelque chose d’autre. Il y avait dans les rues à certains moments le début d’une atmosphère de dialogue, les gens discutaient, des questions étaient posées sur les alternatives au capitalisme, il y avait des pistes de réflexions proposées sur des tentatives de dépassement d’un système donné, largement présenté comme le seul et unique possible.

C’est peu de choses, certes, mais ce qui est important, c’est que cela s’est réalisé à la base, au sein d’ un mouvement collectif, par ceux qui en étaient les acteurs. Il n’était pas question de grand discours de personnalité de la gauche, comme il est souvent le cas à la suite de manifestations bien encadrées, comme celles organisées par exemple par l’organisation anti-guerre Stop The War.

On pourra, pour finir, revenir sur les violences - policières.
Un évènement qui fut peu (ou pas) rapporté par les médias fut l’évacuation dans la force du Climate Camp. Celui-ci s’est réalisé dans la soirée, malgré les promesses de la police, alors que le Climate Camp devait rester en place 24 heures. Armés de leurs tenue de combat, les policiers se sont mis à charger à plusieurs reprises sans prévenir sur des participants qui étaient assis ou simplement regroupés dans la rue.

Le lendemain, on notera qu’il y a eu des raids illégaux dans deux centres sociaux squattés à Londres, où plusieurs camions de policiers équipés sont venus déloger des poignées de manifestants de la veille à moitié endormis. Plusieurs arrestations ont eu lieu à ce moment (en tout plus de 120 personnes ont été arrêtées).

Enfin, en ce qui concerne la personne décédée au soir du mercredi 1er avril, la police avait initialement déclaré que l’homme était mort de causes naturelles, sans plus de commentaires. Il circulait bien des rumeurs comme quoi ils n’avaient pas pu l’aider en raison d’une pluie de projectiles qu’ils avaient du essuyer de la part des manifestants, mais rien de plus.

Suite à un nombre de témoignages et à la diffusion d’images filmées de l’incident, les mensonges manipulateurs de la police ont été révélés au grand jour. Il est apparu que l’homme, qui n’avait pas pris part aux manifestations mais rentrait simplement chez lui, a été frappé par des policiers, poussé dans le dos avant de tomber à terre. Des manifestants l’ont en fait aidé à se relever, mais, ébranlé, il s’est à nouveau écroulé plus tard, pour ne plus jamais se relever.

L’officer qui l’a frappé et poussé a été suspendu, mais pas renvoyé. Il touche toujours son salaire. Il ne sera sans doute jamais condamné, pas plus que ne l’a été l’officier qui a tué Jean-Charles De Menezes dans la paranoïa qui a suivi les attentats terroristes du métro londonien.

A la suite de cela, des rassemblements ont été organisés en souvenir de la victime de la manifestation, et dans le but de dénoncer les tactiques de la police, qui vise les manifestants sans discernement, et notamment cette fameuse technique d’encerclement des manifestants qui fut pratiquée à outrance ce mercredi 1er avril, bloquant pendant plusieurs heures un grand nombre de personnes qui demandaient pourtant à sortir, les chargeant par intermittence.

Remises en question par tous, ces tactiques vont être portées devant la cour européenne de justice, dans l’espoir qu’elles soient déclarées illégales, afin de préserver la liberté de protester sans être agressé et pour combattre les lois et les mesures qui font que l’on vit chaque jour un peu plus dans un état policier, clairement renforcé dans le seul but de protéger les intérêts du système et de ceux qui en profitent.