Raymond Pettibon’s not dead

, par Nico Melanine

Pettibon, on le connaît tous. Enfin, presque. On le connaît tous parce que dans les années 70/80, il faisait partie de la scène punk/hardcore américaine. Oui, souvenez-vous, les pochettes de vos albums favoris (et même les autres) de Black Flag, c’était lui. Ces pochettes, et les textes qui les accompagnaient, c’est signé Pettibon.

Cet homme, au nom si pétillant, si sautillant (hé oui), on se sent tout de suite proche de lui. On a l’impression de le connaître, de bien l’aimer. Avec un nom pareil de toute façon, il ne peut pas être foncièrement mauvais. Pettibon, vous voulez que je vous dise, c’est un ami, même. Alors en toute logique, je suis allé voir son exposition à la Whitechapel Gallery, à Londres. Et je dis pas ça parce que c’est un ami, mais franchement, j’aime bien ce qu’il fait.

Et en fait, Pettibon, on le connaît tous. Enfin, presque. On le connaît tous parce que dans les années 70/80, il faisait partie de la scène punk/hardcore américaine, et notamment de Los Angeles, où il a étudié. Ses activités à l’époque comprenaient la peinture (encre sur papier), le dessin (obscurs et divers fanzines), mais aussi, sur le plan musical, l’écriture et la réalisation de vidéos, le tout pour des groupes tels que Sonic Youth, Minutemen ou Black Flag. Oui, souvenez-vous, les pochettes de vos albums favoris (et même les autres) de Black Flag, c’était lui. Ces pochettes, et les textes qui les accompagnaient, c’est signé Pettibon.

Et une des particularités de Pettibon, c’est précisément ce rapport particulier qu’il réussit à établir entre le mot et l’image. Pas plus que le dessin n’est l’illustration d’un texte, jamais chez lui le texte n’est un simple commentaire. Bien plus, il agit comme un élément pictural en soi, la calligraphie ayant son importance, comme elle pouvait l’avoir, à un degré encore plus élevé, chez les membres du collectif Cobra.

L’univers iconographique de Pettibon dérive en grande partie de la culture populaire américaine, et particulièrement du monde de la bande dessinée. On y retrouve, pêle-mêle, des figures emblématiques telles que des surfers, superman, des joueurs de base-ball, Va-voom (cf : Felix the cat), ou encore Batman et son fidèle acolyte Robin, sans cesse affublé d’accoutrements grotesques (Robin à l’origine de la mode gothique ?). Et c’est en quelque sorte à des détournements du rôle de ces figures que Pettibon procède. On retrouvera par exemple Robin et Batman, côte à côte, dans le même lit, en train de... mais je ne vous en dis pas plus.
On est loin de Liechtenstein qui, comparativement, apparaît froid, distant et ennuyeux. Ici, entouré des dessins réalisés soit sur simple papier, soit sur les murs même de la gallerie, on est véritablement plongé dans l’univers de la bande dessinée qui est, principalement, celui de Pettibon.

Principalement, mais pas uniquement. L’imagerie de Pettibon a aussi une forte résonance mystique, et certains de ces dessins ne sont pas sans rappeler ceux de William Blake. Et de William Blake Pettibon a peut-être aussi emprunté son coté poétique, lorsque, par exemple, il met en parallèle sa propre éternité, son immortalité et la flamme d’une bougie, ou lorsque naïvement, il imagine une tempête de peinture étant à l’origine de l’un de ces dessins (yesterday, we had a great paintstorm...).

Pour finir, Pettibon c’est aussi des commentaires de la situation politique, principalement des années 70/80, à travers divers détournements de l’image que pouvaient représenter les personalités politiques de cette époque.
Et on peut penser que fin 70 début 80, avec Black Flag, Pettibon a été le pendant américain de quelqu’un comme Gee Vaucher, qui réalisait le même genre de travail (tant sur le plan politique qu’au niveau des vidéos ou des pochettes d’albums) pour les punks anglais de Crass.
Ou peut-être était-ce l’inverse ceci dit. Bref.

Au moment où Kim Gordon et Rollins (voir pub Gap + rubrique j’dis ça, j’dis rien) ne sont plus que de pauvres pantins désarticulés et sans vie, il semble que l’on puisse s’écrier : Pettibon’s not dead !
Vous me direz, on n’est jamais sûr de rien. Certes. En tout cas, si vous pouvez voir une expo ou quelque chose, ça vaut vraiment le coup.
A Londres, c’est à la Whitechapel Gallery : courez-y ! Ah non, ça vient juste de finir. Bon. Tant pis.