Réformes sociales, post scriptum

Histoire d’en rire encore un peu [1]une petite citation de Debord, bien loin du langage codé et étouffant qui le caractérise, et tellement tristement actuelle que ça fait pleurer les yeux. C’est dans Commentaires sur la société du spectacle.

"Jamais censure n’aura été plus parfaite. Jamais l’opinion de ceux à qui l’on fait croire encore, dans quelques pays, qu’ils sont restés des citoyens libres, n’a été moins autorisée à se faire connaître, chaque fois qu’il s’agit d’un choix qui affectera leur vie réelle. Jamais il n’a été permis de mentir avec une si parfaite absence de conséquence. Le spectateur est seulement censé ignorer tout, ne mériter rien. Qui regarde toujours, pour savoir la suite, n’agira jamais : et tel doit bien être le spectateur.

On entend citer fréquemment l’exception des Etats Unis, où Nixon avait fini par pâtir un jour d’une série de dénégations trop cyniquement maladroites ; mais cette exception toute locale, qui avait quelques vieilles causes historiques, n’est manifestement plus vraie, puisque Reagan a pu faire récemment la même chose en toute impunité.

Tout ce qui n’est jamais sanctionné est véritablement permis. Il est donc archaïque de parler de scandale.

On prête à un homme d’état italien de premier plan (...) un mot qui résume le plus profondément la période où, un peu après l’Italie et les Etats Unis, est entré le monde entier : "Il y avait des scandales, mais il n’y en a plus."

Guy Debord, Commentaires à la société du spectacle, chap. VIII, p. 31, chez Gallimard

Notes

[1Si vous n’avez pas encore commencé à rire, je vous invite à vous échauffer la paroi zygomatique grâce aux incontournables troubadours du rire, qui se regroupent sous le sigle O.C.D.E. dans Réformes sociales : futur antérieur. Si vous éprouvez un sentiment d’étouffement et de foutage de gueule suite aux dernières décisions gouvernementales, vous n’êtes pas seuls, comme en témoigne l’article suivant.