Exterminez toutes ces brutes !

, par Alfred

Ça y est, on a l’état d’urgence pour trois mois. Je le sais, je l’ai vu à la télé, la télé américaine, qui plus est. La distance permet toujours de voir certaines situations différemment. L’UMP entérine finalement un vieux constat : la France a toujours des colonies, on les appelle banlieues.

Paris is burning

C’est la même voiture en feu, les mêmes pompiers en gros plan accrochés à leur lance qui essaient de l’éteindre qu’on retrouve sur CNN, Fox et MSNBC. Les journaux titrent sur Paris brûle, probablement parce que c’est un coup à la Libé, une référence pas très claire mais qui fait mouche, et aussi parce qu’au-delà de Paris il faut commencer à expliquer, et expliquer ça prend du temps, et le temps c’est de l’argent. Le mot anglais pour banlieue est suburb, mais leurs connotations ne pourraient être plus différentes. La banlieue est le fief de la bourgeoisie américaine, fuyant les grandes villes et leurs ghettos. Régulièrement des pans entiers de ces ghettos au centre des villes (inner cities) sont réappropriés par la bourgeoisie, en général par le biais des artistes, hipsters et autres jeunes célibataires à pouvoir d’achat. le mouvement général de la bourgeoisie américaine s’effectue vers l’extérieur, vers l’immédiat en-dehors de la ville, vers des bans qui ne cessent de s’agrandir. Collée au lac Michigan à l’Est, Chicago avance vers l’Ouest, envahissant ce qui encore récemment n’était que champs de maïs. La région est la première du pays pour ce qui est du développement immobilier. Comme son centre-ville auparavant, l’immédiate banlieue Ouest de Chicago a perdu en réputation en se démocratisant ; il faut donc aller chercher ailleurs. Les nouveaux quartiers poussent au milieu de nulle part, et on considère que d’ici moins de dix ans, Yorkville, pas loin d’où j’habite, et à environ 80 bornes de Chicago, sera considérée grande banlieue de Chicago.

La situation locale, pour ce qu’elle a pu s’améliorer depuis les années 60, a aussi énormément empiré. Chicago est une des villes où la ségrégation ethnique et raciale est la plus évidente ; la ville est partagée en villages ethniques (voir une carte ici), Chinatown, Little Italy, Greektown, Ukrainian Village, etc., et les Noirs ont historiquement toujours occupé le subtilement nommé Bronzeville, le ghetto au Sud de la ville. Ce que les droits civiques ont apporté de légal a été effacé économiquement au cours des années. La bourgeoisie blanche a généralement fui l’école publique, qui dans Chicago compte 50% de Noirs et 38% de Latinos [1]. 40 après l’intégration des écoles, la ségrégation y est plus présente que jamais, de manière totalement légale. Economie et racisme : un article récent montrait que la gentrification de Bronzeville est activement menée par la bourgeoisie noire locale. Un jeune homme interviewé par le Chicago Sun-Times y estimait ne pas avoir à plaindre les habitants pauvres que la montée des loyers pousse dehors (voir ici en anglais). Dans le temps, la bourgeoisie noire habitait ici, alors on ne fait que retourner Bronzeville à son état original, qu’il dit. Et puis c’est la loi du marché, ces gens-vivent sur mes impôts, ils peuvent bien se déplacer si je veux vivre ici, non ?

Alors forcément, l’Américain moyen, quand on lui dit que de jeunes immigrés MUSULMANS foutent le feu à la banlieue de Paris, il se pose des questions. Il flotte peut-être des images de hordes barbues détruisant Neuilly.
Pour autant de journalistes évoquant les éventuels problèmes ayant pu mener à une telle explosion, il y en a le double pour questionner les experts sur un lien avec Al Qaeda, pour demander si les débuts d’émeutes en Allemagne et en Belgique ne révèlent pas justement une concertation pour répandre un chaos d’obédience islamiste dans la vieille Europe.

On peut en rire, on peut en pleurer, on peut s’énerver. De l’éternellement correcte National Public Radio à l’éternellement immonde Fox News, le traitement de l’affaire dans les médias ricains est vraiment tous azimuts. La seule constante est l’incrédulité. C’est que même ceux que ça faisait ricaner dans le coin y croyaient quand même un petit peu, à l’idéal républicain français des Lumières des droits de l’homme. On passe plutôt pour trop pacifistes, trop lâches, trop de gauche. J’ai vu des gens s’énerver, mais ils se prennent pour qui ces immigrés, à venir foutre la zone chez vous ! Ils trouvent ça incroyable, dans un pays aussi ouvert et gentil que la France. Ah. C’est vrai que ça prend du temps, d’expliquer l’histoire de France.

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Cherchez l’erreur
Ces voitures ont été brûlées par de sérieux activistes politiques critiquant le système.

La Force Publique et la chienlit

J’essaie de rappeler comment ça a commencé, cette affaire. Les deux gamins électrocutés dans un transfo, en général ça calme. Mais attention, si vous évoquez un contrôle de police, les yeux se plissent en une grimace entendue. Non non non, ce n’est pas ce que vous croyez ; c’est qu’en Amérique, aussi, on ne contrôle pas les gens, on ne contrôle que les suspects. Le concept du contrôle d’identité au hasard, ça leur en bouche un coin. Alors j’enchaîne sur la légende de la police française : sa violence légendaire, son racisme légendaire, son impunité légendaire. Je fais part de témoignages personnels, bien qu’anodins. Je sais qu’ils fonctionnent bien, pour avoir vu la réaction de ma femme (américaine) lors d’un contrôle de police en France il y a quelques années. Pour moi, ils étaient incroyablement polis, pour elle outrageusement insultants. Tout est dans la perspective.
La mienne, celle d’un Français pure souche, martiniquais et lorrain, ne peut que les intriguer. J’essaie de leur faire voir depuis mon petit promontoire que l’islam n’est qu’une note de bas de page dans cette histoire, que certains aimeraient monter en titre de chapitre, pour des motifs différents. Ils disent ah..., le doute aux yeux. C’est que depuis qu’ils savent qu’il y a une différence entre Sunnites et Shiites, les ricains, ils se pensent spécialistes de religion. En Iraq, ils se mettent sur la gueule, ces deux groupes se détestent, voyez-vous. Ils n’ont pas l’air de reconnaître qu’il y a là-dedans un peu de la vieille technique coloniale belge. On soutient un groupe pour en soumettre un autre, on développe les inimitiés, on favorise dans l’ombre et on laisse tout ça pousser tout seul. On laisse entendre que les uns sont les gentils, les autres, les méchants, Hutus contre Tutsis, et quand ça pète on peut dire que ça a toujours existé. Classique.

Je retourne à mon sujet et je leur dis, vous savez, mis à part que celui-ci dure si longtemps, c’est pas tellement unique, ce genre d’évènement. Des émeutes, on en a tous les ans. Ah bon, qu’ils me font, effrayés.

Les premiers jours, retrouvant l’info sur différentes sources internet, je me rappelle avoir pensé eh ben c’est reparti, encore une bavure, demain les émeutes. J’essaie de comparer. C’est un peu comme Los Angeles 92 après le tabassage de Rodney King. C’est un peu comme Watts en 65. Mais en fait non. Les émeutes de Los Angeles en 92 et 65 furent meurtrières au possible, dans un pays où on peut acheter des flingues au supermarché, et où les flics t’allument pour un rien. Chez nous, on brûle des caisses, on brûle des poubelles, on lance des caillasses, surtout, et c’est les flics qui tirent, en général.

Les émeutes, ce sont aussi les manifestations qui tournent mal, ou bien, selon la perspective. Les mêmes pingouins qui chialent sur le manque d’engagement politique des jeunes de maintenant ont souvent jeté des caillasses ou prétendu l’avoir fait en 68. Pour la bonne cause, pas par désespoir, pas pour s’amuser, hein, attention ! Ben voyons. Ils voudraient nous faire croire qu’on va à la manif comme d’autres vont à la messe. La vérité, c’est qu’il y a toujours une bonne proportion de gens qui viennent y faire la fête. Les manifestations lycéennes fournissent toujours une bonne double occasion : on quitte les salles de classe pour la bonne cause. On apprend la politique tôt, en France...

Et puis toujours la hantise ou l’espoir que ça dégènère, parce qu’avec notre police ça arrive plus souvent qu’à son tour, tellement que c’en est attendu. Etrangement, leur réaction est généralement inversement proportionnelle à la menace. A Metz, on en aura vu des manifs au bord de la rupture, à travers les années 80, comme le charbon et l’acier se voyaient gentiment montrer la sortie. La ville dort mais on a une préfecture, alors forcément...

Combien de démonstrations de force inutiles, Metz envahie de bulldozers, Metz envahie des tracteurs de la FNSEA, la préfecture assaillie par les agriculteurs, la place jonchée de purin, les flics qui ne font rien, c’est que les agriculteurs ils se battent, c’est pas les squelettes tabagistes des manifs antifascistes... Au niveau national, n’en parlons même pas. Les ricains le savent bien qui rigolent en douce, ah oui, c’est vrai, les grèves c’est un peu votre sport national. Je veux mon neveu. Et de tout temps, elles se sont aussi vues agrémentées d’intervention policières tout en douceur ; les flashballs ont remplacés les bidules et autres matraques de voltigeurs, mais la même joie de vivre règne. C’était comme ça ici aussi, avant. Avant quoi ? Je ne sais pas exactement. De nos jours, les piquets de grève, c’est trois hommes-sandwiches qui n’ont pas le droit de s’arrêter de marcher en rond sur le trottoir, une scène que vous avez surement déjà repérée dans une série ricaine ou un film. Plus personne ne se rappelle Joe Hill, les massacres policiers, les gangsters cassant les grèves pour Henry Ford. Autres temps, autres perspectives.

Pacification


Alors si c’est banal les bavures, et si ça arrive tout le temps, les émeutes, en France, et si c’est pas un complot islamiste, alors c’est quoi tout ce bordel ? On n’en a jamais autant entendu parler. Le chaos qui se répand et passe les frontières, c’est classique ça aussi ? 6000 bagnoles et des brouettes, c’est normal ?

Non, bien sûr que non. Assis ici à écouter la radio, regarder la télé je me demande aussi, exactement, ce qu’elle a de tellement épatante, cette émeute. Les images, comme d’habitude, ne nous diront rien. Elles auraient pu être prises n’importe où et n’importe quand depuis vingt ans, c’est toujours le cordon de CRS, c’est toujours le jeune en jogging qui tend le doigt, la grenade qui éclate au loin, les gars traînés par les flics, l’éventuel CRS touché par une caillasse. Si ça dure plus d’une nuit on aura, même ici aux Etats-Unis, l’inénarrable plan de journaliste en pourparlers avec un rassemblement d’autochtones, de trois-quart dos à la caméra, hochant la tête à toutes les doléances exprimées par nos jeunes de banlieue, la bouche pincée, le regard sombre et désolé, la caméra un peu tremblante, c’est qu’on est au milieu de l’évènement, voyez-vous, certains de ces jeunes ont probablement brûlé de la Renault pas plus tard qu’hier soir, ma petite dame, et notre brave journaliste autrement plus couillu qu’un poulet viens te les voir de face pour régler le problème.

Ça fait tellement d’années qu’on nous la repasse, cette émeute, et on ne s’en lasse toujours pas. C’est que c’est bien foutu. Une belle production. Je m’en rends compte ici peut-être mieux qu’en France : la titillation sauvage de l’émeute, c’est bien sûr qu’elle ne se déroule jamais chez nous, même quand elle se déroule chez nous. Engage-toi dans la coloniale, tu verras du pays. L’émeute a toujours lieu dans une zone de non-droit, c’est d’ailleurs probablement pour cela que les agriculteurs s’en tirent toujours plutôt bien : ils ont compris qu’en amenant l’émeute à la préfecture, ils s’assuraient un parachute. Même quand ça castagne, même quand ça déverse du purin, ce n’est jamais qu’une manif qui dégénère. Il n’y a pas de non-droit en place de République. La banlieue, par contre, a tellement été chantée ces trente dernières années qu’on n’attend pas moins d’elle. Les flics, dit-on, ne sortent même pas de leurs voitures ; on y aurait balancé des frigos du 12ème étage. Les gangs y règnent en maître, y violent en bande, y font la loi, puisqu’il n’y a plus de loi. C’est pas faute d’avoir essayé de leur parler, aux sauvageons. Mais ils ne veulent rien entendre. Alors de temps en temps, Marianne, elle sert les vis.

La racaille, les sauvageons, sont venus il y a bien longtemps des noires contrées du continent sauvage, où on les a longtemps maintenus tranquilles avec la sévérité d’un bon père. Maintenant ils sont ici. Sarkozy nous dit qu’on n’a peut-être pas été assez ferme avec eux. Ils ne comprennent que le fouet. Ils transportent la colonie avec eux.

Derrière les rangées de CRS, sautillant pour se faire voir au-dessus des casques luisants, Sarko éructe, promet le nettoyage au karcher, éradiquer la racaille rétablir l’ordre, tout en comprenant le malaise. Vas-y Nico. La racaille, semble-t-il, vivrait au milieu des honnêtes gens. Tant pis. Les CRS sont plus habitués à rentrer dans le tas, en manif, et si le tas avance lentement et comprend des vieux et des enfants, c’est encore mieux. C’est pas évident de tabasser des gens qui courent et qui se cachent. C’est pas du jeu. Faut les comprendre aussi, on les a pas habitués à autre chose, et puis ils auront bien essayé d’allumer du jeune au flashball dans les ruelles, mais apparemment même ça, c’est pas suffisant. Ça devient vite frustrant. Ils en viennent même, suprême insulte, à demander au beau Nico de fermer un peu sa gueule, parce qu’il arrange pas les choses avec ses conneries. Ses interventions, semble-t-il, feraient courir les indigènes plus vite.

Puisque les techniques de répression policière habituelles ne marchent pas, on va faire appel aux bonnes vieilles techniques coloniales. Quand l’Amérique bombarde les bougnoules au napalm et au phosphore, des armes interdites, elle est dans le mode colonial. Comme le montre Sven Lindqvist(voir son site ici) dans son Maintenant tu es mort : Le siecle des bombes [2], le bombardement des populations civiles a d’abord été développé dans les colonies avant d’être utilisé en Europe. Les indigènes sont tous coupables, d’être qui ils sont, où ils sont. Un rassemblement dans une mosquée ? Nettoyez-moi ça au karcher, ou par défaut à la grenade lacrymo, ça marche aussi. Les indigènes s’énervent, mettent le feu à des bagnoles, incendient leurs réserves ? Décrétons l’état d’urgence. Une amie me faisait remarquer récemment que beaucoup trouvent ça idiot de mettre le feu chez soi. Quels cons ces jeunes. Comme s’ils le faisaient par hasard. Comme s’ils avaient le choix. «  Oui mais vous imaginez s’ils étaient vraiment descendus à Paris ? On les aurait tués. » Et elle a probablement raison. On en a tué pour moins que ça. Resserrez les carrioles ! Tirez quand vous leur verrez le blanc des yeux !

Coup d’état d’urgence

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Cherchez l’erreur
Ces voitures ont été brûlées par des sauvageons sans respect pour la République.

Un petit rappel pour les parangons du journalisme correct de gauche, qui nous suggèrent de comprendre l’émeute sans l’excuser, parce que si incendier les Tuileries c’est historique, brûler des voitures c’est impardonnable, et le faire sans semblant de raison politique est encore plus méprisable : quand vous étiez jeune et que vous balanciez des pavés sur les CRS-SS du quartier des écoles, que vous terrorisiez le bourgeois et décoriez la Sorbonne avec de très inspirés portraits de Mao et Staline, jamais le grand Charles ne fit appel à l’état d’urgence. Il savait reconnaitre des petits bourgeois en goguette. Le coup d’état d’urgence que nous offre l’UMP est bien ironique, et tellement colonial. Nous sommes tous les enfants de Marianne, nous susurre un petit jacques à lunettes, mais vous, ses enfants sombres, tenez-vous bien tranquilles ! Les agriculteurs peuvent conchier la préfecture, les terroristes corses faire péter tout ce qui dit la Poste ou SONACOTRA et donner des conférences de presse, mais l’état d’urgence ne sera déclaré, comme d’habitude, qu’en cas de problème dans les colonies, en Algérie, en Nouvelle-Calédonie, ou le cas échéant dans les colonies intérieures, les zones franches de non-droit. La classe.

C’est la réaction du gouvernement plus que les évènements eux-mêmes qui fait l’originalité de la situation. Elle bout depuis des années, mais nos politiques ont finalement su s’organiser pour en profiter. Mais non, Nico, on ne s’attend pas à ce que tu reconnaisses « l’instrumentalisation de la peur. » Tu la diriges, c’est bien suffisant. Trois mois d’état d’urgence ? Dites-moi comment vont en profiter les services de police français pour rétablir l’ordre républicain menacé par les hordes banlieusardes ? En temps normal ils font ce qu’ils veulent ; qu’est-ce qu’on fait quand on peut vraiment faire tout ce qu’on veut ?

Le non-droit légal, le monopole de la violence légitime. Je suis en train de lire un livre sur le Congo du grand roi des belges Léopold, King Leopold’s Ghost, par Adam Hochschild. La colonie personnelle du monarque aura vu un siècle de violence inouïe et généralement peu connue : des populations entières mises en esclavage, mutilées pour du caoutchouc, massacrées pour de l’ivoire, décapitées pour le sport, bien au chaud au cœur des ténèbres, là où personne ne va regarder trop loin. Au nom du progrès, et ironie ultime, officiellement contre les esclavagistes musulmans. L’éternelle opposition Hutu et Tutsi, créée de toute pièce par les missionaires belges... Mais on connaît généralement mieux les défauts des autres. Les colonies des autres, la guerre du Viet Nam mieux que celle d’Indochine, parce que ça fait moins mal aux seins, peut-être, parce que c’est plus facile sûrement. Alors je ne rappellerai pas que la France aussi était au Congo, je ne parlerai pas de l’Algérie et de Madagascar, mais vous me suivez, n’est-ce pas.

Loin de moi l’idée qu’on va rétablir l’esclavage dans les banlieues. Tout de même ! Si on peut les garder comme lumpen prolétariat [3], pourquoi s’emmerder. Comme le rappelait Seb, quand les gueux, les hommes sans maître se révoltent, le pouvoir n’a que rarement peur. Les sans-culottes eux-mêmes n’ont de valeur historique que comme troupes de choc de la bourgeoisie, allez-y voir dans vos manuels d’histoire. Et de toute façon ils veulent quoi, tous ces jeunes cons ? Brûler des trucs ? Ils font peur, enfermés dans leurs réserves, bou ! Tremblez, bons Français ! Mais ne vous en faites pas trop, Nico vous protège. Il tremble mais tient bon ; c’est qu’il y a plein de choses à la clé, les élections, qui de Villepin ou Sarkozy a la plus grosse, tout ça. C’est du sérieux. C’est classique, et ça marche à tous les coups. On a à portée de main tous les ingrédients nécessaires à un bon spectacle sécuritaire : trois mois riches en possibilités de pacification à l’ancienne ; on va envoyer nos braves pioupious faire face aux terribles sauvages des banlieues, et tout le monde applaudit.

Pour finir, je me ferai l’écho de Césaire, dans son Discours sur le Colonialisme, de Sven Lindqvist, de Hannah Arendt, et de tant d’autres : le fascisme, entre autres choses, c’est aussi l’intrusion du colonial en métropole. J’y pense, d’Amérique, ou Bush cherche désespérément à ne pas sombrer dans sa propre merde, alors qu’en France une droite héroïque vote les pleins pouvoirs, parce que c’est couillu d’écraser une mouche avec une crosse de fusil : ça nettoie, ça fait propre, et tout le monde aime l’ordre, surtout quand va commence par l’Autre, qui qu’il soit, le sauvage, le sauvageon, le bougnoule. Dormez-bien, Nico prend soin de vous. Vivement Février, qu’on se sente bien en sécurité.

Notes

[1Statistique annoncée sur NPR, 15 novembre 2005.

[2Serpent à Plumes, Paris 2002.

[3Le prolétariat en haillons, évoqué par Karl Marx, l’armée de réserve du capitalisme, une main d’œuvre bon marché toujours prête à faire les pires travaux.