Calais : destruction de la "jungle" et arrestation des migrants

, par Nico Melanine

Suite à la destruction de la ’jungle’ ce matin à Calais par les CRS, nous publions un appel du comité No Border local, qui s’est formé de façon informelle lors de la préparation du camp No Border en juin dernier.


Toutes et tous à Calais cette semaine pour protester contre le démantèlement de la jungle, des campements et squats !

Actions internationales en solidarité devant les consulats français !

Le gouvernement français, probablement sous la pression du gouvernement Britannique, propose aujourd’hui une « solution » définitive au « problème » des migrants à Calais. Nous appelons toutes les personnes sensibles à la situation dramatique des migrants de Calais à s’opposer à la dite « solution » qui, conformément aux voeux du ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale Eric Besson, a consisté ce matin en l’intervention de la police anti-émeute française pour éradiquer la jungle. Nous dénonçons cet acte d’agression digne du gouvernement de Vichy contre des migrants qui ont déjà beaucoup souffert durant leur périple pour arriver à Calais.

Besson a déclaré en mai qu’il voulait débarrasser le calaisis des migrants. Depuis, squats et campements ont maintes fois été détruits dans la région, et c’est maintenant le tour de l’emblématique jungle à Calais même.

Nous ne considérons pas les migrants comme « le problème », et notre solidarité est la seule réponse possible face au sort qui leur est fait.

Nous rejetons la normalisation et l’utilisation abusive des mots « clandestinité » et « illégalité » et partageons l’esprit de l’article 14 de la Convention de Genève de 1951 qui stipule que chaque individu a le droit de demander l’asile où il le veut.

Nous allons aussi au-delà de cette version étriquée de la conception de l’asile, qui exclut les personnes fuyant la violence non étatique, mais aussi les victimes des viols, ainsi que de la violence sociale comme la pauvreté, conséquence des règles commerciales fixées à Washington et Genève. Les guerres que le capitalisme mène contre les peuples, en exploitant leurs ressources et leur travail, sont à l’origine de ces différentes formes de violence.

Nous croyons que tout le monde a le droit de choisir où aller et où vivre, et que cette liberté ne doit pas être réservée seulement à une minorité, parce que nous croyons en l’égalité des droits pour toutes et tous, des droits qui ne doivent pas être donnés ou octroyés par les gouvernements, mais qui doivent être garantis à tout être humain.

Pour les migrants, quitter leur famille, leurs maisons et leur vie, parfois pour toujours, n’est jamais un choix facile, et bien souvent répond à la nécessité. Il s’agit d’un acte de survie familiale, un grand sacrifice dont on ne sait jamais s’il sera couronné d’un succès ou d’un échec. Les migrants sont prêts à risquer leur vie parce que partir représente une chance d’un avenir meilleur. L’échec n’est pas une option, et les gouvernements, malgré tous leurs efforts, ne les arrêteront pas.

Un aspect important de la convention de Genève reconnaît que l’absence de passeport n’est pas en soi un acte illégal. Les migrants de Calais n’ont pas eu d’autre choix que de devenir des « clandestins », car il n’y a pas de chemin légal possible pour gagner l’Europe ou le Royaume-Uni par voie terrestre : ce qui explique pourquoi ils se retrouvent entre les mains de passeurs, et subissent les dangers et les dépenses consécutifs.

Les ’choix’ à Calais : retour volontaire et le système Européen de demandes d’asile

Selon le plan Besson, les migrants n’ont que deux options à Calais. La première option est le retour soit disant « volontaire » qui ne l’est évidemment aucunement. L’approche adoptée à Calais, et de plus en plus à travers les jungles du Nord de la France, consiste à faire fléchir la volonté des migrants, en les soumettant à des niveaux extrêmes de violence policière et d’intimidation. Puis l’OIM propose la solution du "retour volontaire", assisté par le nouvellement arrivé HCR qui donne sa bénédiction.

La seconde option est de demander l’asile en France. La plupart des migrants ont à juste titre très peur car c’est un piège potentiel. En effet, il y a des chances pour que leurs empreintes digitales aient été prises et enregistrées dans la base de données Eurodac ; et selon les accords Dublin II, s’ils ont déjà demandé l’asile en France ou quelque part ailleurs en Europe, et qu’ils sont fichés dans la base de données, ils seront renvoyés vers le premier pays « sûr » où leurs empreintes ont été prises, c’est-à-dire généralement la Grèce ou l’Italie. La Grèce reçoit ainsi de l’argent de l’UE pour chaque cas Dublin II qu’elle reçoit.

En Grèce, il y a environ 0% de chance d’obtenir l’asile pour les Irakiens et les Afghans, et pourtant pour la plupart des pays européens, la Grèce est considérée comme un pays "sûr" pour y renvoyer les migrants. La Norvège et de plus en plus de tribunaux commencent à décréter qu’il est dangereux de renvoyer des migrants en Grèce ; c’est maintenant au tour des gouvernements européens de faire de même.

Les gouvernements britannique et français ainsi que les médias prétendent que les migrants ne sont pas de « vrais réfugiés », car si tel était le cas ils demanderaient l’asile dans l’un de ces pays. Mais qui le ferait, puisque ce serait clairement suicidaire ? A travers ces petits arrangements, les pays de l’UE créent un système qui détruit les chances d’obtenir un statut de réfugié.

La conséquence des accords Franco-Britannique

On pourrait considérer le « problème » des migrants à Calais comme le résultat du refus du Royaume-Uni de rejoindre l’espace Schengen, et à la complaisance française à ce sujet. Il s’agit en effet d’une sorte d’anomalie créée par les accords binationaux franco-anglais. Le problème est aussi plus largement la fermeture des frontières de l’Europe aux migrants, coordonnée à travers le pacte Européen des migrations.

Les accords bilatéraux conclus entre la France et la Grande-Bretagne après la fermeture du camp de Sangatte ont conduit à la mise en œuvre de contrôles aux frontières de plus en plus coûteux et sophistiqués, et au déplacement des contrôles de la frontière britannique sur le sol français. Le gouvernement français a cédé aux injonctions du Royaume-Uni et a accepté sa politique de renforcement des contrôles aux frontières.

En conséquence la file d’attente pour passer la Manche devient plus longue. Alors que les contrôles de plus en plus rigides bloquent les migrants à Calais, on adopte comme « solution » la destruction des jungles. Les migrants sont donc dispersés et expulsés pour effacer le problème. Solution barbare, mais aussi totalement inefficace, puisqu’elle renforce la dépendance aux passeurs.

Lors de la fermeture de Sangatte en 2002, on a voulu faire croire que Nicolas Sarkozy avait résolu le "problème". Bien évidemment les migrants ont continué à venir, et depuis lors, l’objectif a été d’essayer de les rendre invisibles. Pour cela, plusieurs tactiques :

1) Laisser les migrants traverser quand ils sont trop nombreux, pour désengorger.

2) Les soumettre à des intimidations et de la violence, afin qu’ils quittent le calaisis et tentent la traversée ailleurs sur la côte.

3) Détruire les espaces de vie qu’ils aménagent et leurs effets personnels.

A présent, le gouvernement prétend régler la situation, et se justifie à coups de blabla sur les réseaux de passeurs et autres mensonges quant aux habitants du coin qui seraient attaqués quotidiennement et qu’il serait nécessaire de protéger des migrants, de même que les entreprises locales.

De tels mensonges ont déjà été dits à propos d’autres minorités à d’autres époques, pour créer un ennemi et susciter la peur. Pour se couvrir d’un vernis humanitaire, Besson évoque le fait que l’asile a été accordé à quelques 170 migrants de Calais depuis le mois de septembre 2009 … Cependant, aucune des associations en lien avec les migrants à Calais ne peut confirmé cela.

Aujourd’hui, nous sommes sur le point d’assister à un « nettoyage des migrants » sous couvert de souci humanitaire. Besson prétend sous le feu des médias qu’il a trouvé une solution digne mais il n’en est bien évidemment rien.

Les vrais problèmes sont ceux qui font que les migrants sont forcés de quitter leurs foyers ; ceci ne sera jamais résolu tant que les gouvernements et en particulier les gouvernements britannique, américain et français ne changent de politiques envers les pays dits en voie de développement ou sous-développés, en matière économique, écologique et de politique étrangère.


Les migrants ne cesseront pas de venir et ils sont les bienvenus. La liberté de circulation est un droit qui appartient à toutes et tous !

Nous appelons toutes et tous à venir à Calais cette pour exprimer sa solidarité et dénoncer les politiques migratoires actuelles !

Nous exigeons l’abrogation des accords Dublin II, la fin des politiques de migration sélectives et de toute autre législation qui empêche de migrer là où on le désire et là où l’on en a besoin.

Nous appelons à des actions de solidarité devant les ambassades et consulats français, pour protester contre la destruction des camps de réfugiés et migrants par un gouvernement qui aime à rappeler que la France serait la patrie des droits de l’homme.

No Border Calais

http://calaismigrantsolidarity.wordpress.com