Nouveau sport français, le camp Rroms qui brûle ? Après la destruction du site de Bobigny, cent cinquante personnes ont du être évacuées cette nuit suite à l’incendie de leur campement.
Il existe en France différents modèles de campements, officiels ou « sauvages » [1] , où vivent des Rroms français de longue date, des nomades de l’Europe de l’Ouest et d’autres, sédentaires forcés
fraîchement européens, qui fuient misères et persécutions en Roumanie, Slovaquie, Bulgarie ou Hongrie. Leurs points communs : vétusté et insalubrité.
Un contexte européen plus que tendu
Rafraîchissement de mémoire à la Daniel Guichard, mode "le Gitan que tu ne connais pas" : les Rroms (appellation officielle estampillée Nations-Unies et Union Romani Internationale) sont la plus grande et plus vieille minorité européenne, la plus méconnue et la plus détestée :
En 2008, ils sont désignés comme responsables de l’insécurité en Italie. Des camps brûlent. Un recensement avec prise d’empreintes digitales est mis en place pour « lutter contre la criminalité ».
En 2009, à Belfast, Irlande du Nord, des familles fuient leurs maisons, suite à des intimidations répétées dans leur quartier [2].
En Hongrie [3], (voir Rrom : une journée internationale sans effet ?), un parti s’est spécialisé dans le Rom bashing, et a soutenu la désormais interdite Garde Hongroise dont des membres sont soupçonnés d’avoir participé aux assassinats récents de Rroms. Krisztina Morvai, leur représentante, vient d’être élue au parlement européen, malgré ses sorties anti-tziganes et antisémites.
Leur nomadisme et résistance à l’assimilation agace, effraye, énerve. A proximité, « le Tzigane » est au pire un voleur au mieux un mendiant, en tout cas une sorte de délinquant. A distance, il est exotique avec sa culture et sa musique. Au delà de ces deux extrêmes clichés, point de salut.
En France, un particularisme d’État
L’initiative de fichage italienne n’a rien à envier aux dispositions françaises qui ont installé, depuis des années, un traitement particulariste là où officiellement la Republique une et indivisible ne veut voir qu’une seule tête.
Le carnet anthropométrique français institué en 1912, puis l’incroyable loi de 1969 instituant le carnet de circulation [4], loi toujours appliquée, et enfin la loi Besson : les législations d’exception se succèdent.
Certains représentants français, comme Pierre Hérisson, président de la commission « gens du voyage », cachés derrière cette expression floue, jouent paradoxalement la carte ethnique (voir le débat en quatre parties de France 24). Pourtant comme le rappelle dans le même débat Samir Mile de l’association La voix des Roms, la France est sensée récuser ces concepts différentiateurs.
La catégorie « Gens du voyage » est censée être un concept administratif basé sur des « critères de domicile et de résidence ».
Pourtant, le sénateur affirme : « Il n’y a rien d’insultant à à reconnaître les gitans catholiques, les protestants et toutes les ethnies qui aujourd’hui ont l’air de vous poser problème et qui ne posent pas problème à eux même comme moi je suis savoyard ou peut-être vous êtes breton, ou peut-être vous êtes du Nord de la France ou du Sud de la France (...) [5] ». On ne comprend pas bien où il veut en venir : le Tzigane est un français comme un autre, surtout si il est catho ou évangéliste ? Les « gens du voyage », c’est un peu toute personne qui bouge six mois par an ? Les dispositions concernant les « gens du voyage » ne visent absolument pas les Roms, mais les punks à chien, c’est ça ?
On voit la confusion et le double discours alors même que les Roms ont fait la une, dans le Nord, dans l’Est : refus de scolarisation, bidonvilles, déplacements... La loi Besson a été détournée et les droits d’expulsion des municipalités renforcés. Force est de constater aussi que des associations de riverains se montent dès qu’un campement est en projet [6].
Un autre concept français au goût d’arnaque, le « village d’insertion », est apparut ces dernières années : soit un camp de préfabriqués, une série de familles triées en fonction de leur « volonté d’insertion »(sic) et de leur nombre d’enfants scolarisés, limitées dans leurs allées et venues, tout ça sous la garde de vigiles privés et de travailleurs sociaux relais. Une « solution » tout à fait sécuritaire. (Voir le reportage « Après le bidonville »).
En France, les nouveaux migrants Roms sont soumis à des contraintes supplémentaires d’accès à l’embauche par rapport aux autres européens : obligation de trouver un temps plein, taxes, autorisations spéciales... [7]
Mais c’est la question du logement qui reste le point de crispation premier. En France, il y a une obligation pour l’État de fournir des aires de logement et de stationnement pour les caravanes, avec point d’eau et connexion d’électricité.
L’expérience visuelle, c’est surtout, à la périphérie des villes, à côté de décharges ou d’usines d’incinération, d’autoroutes etc. des bidonvilles insalubres. Rien à envier aux camps sur des sites contaminés du Kosovo [8].
Le spectre qui fait peur : 2012, avec la fin du processus d’intégration de la Roumanie dans l’Union. Surtout préparer l’inévitable « invasion » de voleurs de poules et d’enfants...
A Belgrade, aussi, expulsions avant les Universiades
Cette semaine, à Belgrade, le bidonville Belleville - Block 67 (Novi Beograd) [9], où vivaient des Roms de la capitale serbe a été violemment évacué à coup de bulldozer, sans que des logements de remplacement soient proposés aux habitants. Réveillés à l’aube par les policiers, peu ont eu le temps de prendre leur affaires. Des grilles ont été installées autour des ruines du campement [10].
Le quartier, a déjà subit une première campagne de démolition, de maisons cette fois-ci, dans le même quartier en avril. Cinquante de ces maisons construites, il y a plus de trente ans ont été écrasées.
A l’approche de l’évènement sportif les Universiades 2009, la municipalité a entamé une opération de nettoyage de la zone du village des athlètes, rappellent les mouvements de droit humains belgradois qui organisent une campagne de soutien aux associations roms. Le site des Universiades annonce fièrement un « United Colors of Universiades ». De quoi faire grincer les mâchoires, des hommes, femmes et enfants, qui dorment à l’air libre en bas des tours fraichement érigées.
Le projet de constructions Block 67 est un de ces plans urbains comme les grandes villes européennes en ont pris l’habitude, avec immeubles de bureau, quartier résidentiel chic, centres commerciaux, parking et le complexe sportif où auront lieu les Universiades. Un incendie avait déjà ravagé le bidonville Rrom « Gazela » en février. Les seules propositions de relogement consistent à vouloir placer les enfants en orphelinat.
Et tout ça, [11], un peu comme lorsque les vacanciers de la plage de Torregaveta en Italie [12], continuaient à se prélasser mi-nus à côté des cadavres de deux jeunes noyées Roms.