L’étendard sanglant flotte-t-il encore ailleurs que dans les stades de foot ?

, par Toma Burvenich

Coup de gueule d’un surveillant en période de crise.

Eh oui, ça chie pour notre belle démocratie, enfin elle, elle se porte bien, c’est plutot l’idée que s’en faisaient (encore) certains day dreamers de gauche qui est en train de se prendre une belle baffe.

Aller cracher sur le voisin, c’est bien, surtout quand celui ci s’appelle Bush, hissé au pouvoir par un putsch politique qui ferait blêmir de jalousie n’importe quel dirigeant de république bananière, mais faudrait pas oublier de regarder de l’autre côté du manche, surtout aujourd’hui.

Je n’ai pas la télé, je n’écoute pas la radio, je ne lis pas les journaux, je ne suis pas non plus inscrit sur les listes électorales, et malgré toutes ces précautions pour ne pas être étouffé par la puanteur qui se dégage des décisions gouvernementales et de leur retraitement par les medias, je suffoque, et pas qu’un peu.

On a beau me dire que c’est pas la première fois que la gauche s’écroule, que l’état fait passer des lois antisociales, et que ça va s’arranger...etc, mais j’ai quand même l’impression que c’est la première fois que se combinent mécontentement général, quelle que soit la classe concernée, et constat d’une absence de pouvoir d’action, de prise sur le monde qui nous entoure ; de son côté le gouvernement fait tout pour que ce sentiment devienne réalité, affichant un mépris total de l’opinion publique, ce qui rend obsolète le seul pouvoir positif toléré par la milice étatique, je parle bien sûr du droit de grève (à quoi sert de crier son mécontentement si les oreilles des dirigeants ne sont plus sensibles aux sons de la rue).

C’est donc ce sentiment d’impuissance face à un gouvernement unilatéral, face à un Tony Blair président du parti Travailliste (si seulement c’était une blague...), face à "l’incarnation de la démocratie sur terre" dirigée par le Dieu Commerce et son émissaire vengeur et colérique El Bush, face enfin à une France qui profite de ce contexte pour s’aligner, forte d’"exemples" triés sur le tas, ce sentiment donc, que je voudrais partager ici.

On m’a toujours appris à l’école (et j’te pète la gueule si ce début de phrase te plait pas) que la démocratie, c’était au mieux le gouvernement du peuple, au service du peuple, au pire la tyrannie de l’opinion (publique, ça va de soi) ; aujourd’hui, c’est toujours le royaume de l’opinion, mais certainement plus celle du peuple.

Pour se convaincre du basculement vers un état policier, il suffit de poser regard sur la stratégie Ferry concernant les mouvements de grève du moment : faire passer des lois aberrantes au moment du passage du BAC, et ensuite se poser en sauveur du peuple en menaçant les grèvistes d’avoir recours à la force armée pour permettre aux jeunes de passer le BAC "à tout prix", même et surtout celui du droit de grève.

Debord a dit que la force de la démocratie, c’était de se poser d’office comme le système le plus juste, le plus valable, décision sans appel possible. Même le constat actuel pour notre France Retardataire (mais anticipable si on a pensé à regarder dans la gamelle à ketchup du voisin) de sa mutation autoritaire ne suffit pas à ébranler la Foi en la Démocratie.

A une époque lointaine, le peuple prenait les armes, et pas pour parader (relire les paroles de "La Marseillaise" et pleurer lorsqu’on l’entend en ouverture des matchs de foot). A une époque nettement moins lointaine, il existait une force ouvrière, capable d’agir, et qui faisait peur.

Au cycle bien connu d’alternance de crise et de prospérité s’est substituée la crise continue, en tout cas pour une certaine tranche de la population.

De qui se moque-t-on ? on nous prépare un lendemain crépusculaire sans sécu, où l’on crève d’attendre sa retraite, où la population active est déstinée à vieillir, le chômage à croître...etc, sans nous en expliquer les vraies raisons (bien qu’elles ne soient pas trop difficiles à deviner, même pour un troglodyte comme moi), en essayant de nous faire malgré tout croire que c’est pour notre bien, mais que la politique est trop compliquée pour nous, le petit peuple, qu’il faut laisser ça aux Spécialistes.

Quelle possibilité d’action nous reste-t-il, à part parader tristement dans les rues, plus un constat d’un mécontentement qu’une foi en un changement possible ?

Bush a profité d’un miracle pour étouffer l’affaire de son "élection", le 11 Septembre. Pourquoi réformer les caisses retraites et certains pans du système éducatif à la veille du BAC, sinon pour que les grèves montent les élèves désireux de passer leur examen final contre les profs grèvistes désireux de changement ? Et notre Ferry qui se pose en protecteur du peuple contre les méchants grèvistes, on croit rêver...

Quelle action reste possible contre un consensus aussi absolu entre les forces militaires, économiques et politiques ?

Il y a des jours comme ça, où on ferait mieux de rester couché, un sachet à portée de main des fois que la nausée nous guette...