La Belgique, enfin la Wallonie-Bruxelles francophone, s’engage depuis quelques semaines dans des débats qui n’ont rien à envier à ceux qui ont durablement ravagé la gauche française en 2004. L’objet du délit est encore une fois le voile, ou plutôt (sic) les insignes religieux ostensibles.
Avec le début des assises de l’interculturalité,
rencontres ayant pour objectif d’aborder toutes les questions liées à la multiculturalité en Belgique, la crispation éclate. Du culturel on est passé au cultuel dans les débats d’idées. Bien que le sujet du voile ne soit pas au programme, les commentaires ne portent que sur, comme le titre aujourd’hui Le Soir, « comment réconcilier Islam et Belgique ». Mal barré semble-t-il.
Les échanges sporadiques des derniers mois autour de l’expression de l’Islam dans l’espace public ont transformé un sujet (le voile à l’école et ailleurs) géré de manière pragmatique, au cas par cas, au nom du consensus à la Belge et de l’« accommodement raisonnable » – en une affaire de la plus haute importance dans un pays catholique, ou la laïcité est considérée comme un culte parmi d’autres.
Pourtant, l’état fantôme fédéral n’a pas manifesté récemment d’intérêt aussi fort pour l’Islam et le protestantisme évangélique des caves, dont les lieux de cultes parsèment une ville comme Bruxelles. Ainsi, les plus bruyants, les plus radicaux ou les plus malhonnêtes peuvent occuper le terrain, par exemple des pompes funèbres confessionnelles, et propager des idées imbéciles à la limite de l’usage illégal de la médecine auprès des communautés maghrébines, turques ou africaines sans que la « laïcité » fantôme belge ne soit menacée.
L’observateur qui n’a de cesse de s’étonner que soit brandi un argumentaire « républicain » étatiste dans un royaume fédéral où il n’y a pas eu de séparation entre l’Église et l’État doit garder en tête la fascination des élites francophones pour tout ce qui vient de Paris, bien qu’ils dénoncent à tour de bras l’impérialisme et le centralisme français.
Le Vif-L’express considère ces assises comme « déjà pliées » car il ne pourrait en sortir, pour Marie-Cécile Royen, que des avis contraires à toute interdiction vu les profils des intervenants. Dans le Soir, Marco Martiniello de l’université de Liège, rapporteur des assises qui dureront un an, rappelle la nécessité de ne s’atteler aux domaines sur lesquels « un consensus est possible », car « le climat délétère » ne permettra pas d’envisager « un ambitieux modèle d’intégration ».
Les francophones ont trouvé là une bonne diversion aux problèmes essentiels auxquels ils ont à faire face : chômage, séparatisme, réforme institutionnelle, dette publique, délitement de l’enseignement et des services publics...