Pré-générique
Hier, un attentat à la bombe dans la ville de Fallouja en Iraq a fourni à la presse internationale une nouvelle occasion pour nous agonir d’articles portant les symptomes de l’étrange maladie qui fait trembler nos organes de presse : l’autoanalyse, la mise en abyme, les journalistes s’interrogent à haute voix sur l’essence du journalisme, nous font part de leurs doutes et de leurs faiblesses dans un grand élan de déconstruction post-moderne. La grande question est : montrera ? montrera pas ? CNN et Fox, apprend-on, ont presque montré, et ABC et CBS se sont un peu plus lâchés dans la nuit ; on prévient les téléspectateurs, hein, parce que bon, quand même, c’est pas joli joli, mais on montre bien un peu parce que c’est l’actualité quoi, c’est aussi ça la guerre. Montrer ou ne pas montrer les cadavres carbonisés traînés dans les rues de Fallouja, piétinés, démembrés et j’en passe, voilà le fardeau du journaliste moderne, ou s’arrête l’information je vous le demande, Libération se le demande aussi, qui informe sur l’information, qui ouvre les coulisses aux non-initiés. Ils ne montrent pas les pires, nous font-ils savoir. Chacun y va de sa petite explication, humilité, voyez-vous chaque journaliste a son idée de la déontologie, tout ceci est solennel, on ne déconne pas avec les morts en occident ah ca non, alors le respect, la vérité, est-il dans l’exposition de ces comportements barbares ou alors juste dans son évocation sur fond d’images recadrées parce que non, madame, ne les gratifions même pas de la reconnaissance de leurs actes, nous sommes aussi là pour leur apprendre les bonnes manières, ces images vont-elles modifier l’opinion publique, pousser vers un retrait des troupes ?
Je ne sais pas. Je ne suis pas journaliste. Cette enquête introspective me remplit d’une admiration coupée de terreur, ma foi quelle lourde charge portent nos héros de l’information. Je me sens si proche d’eux maintenant que je connais leur souffrance intérieure.
Le contexte n’a aucune sorte d’importance, ce qui compte c’est l’image. Et je comprends que le choix de l’image n’a pas forcément de rapport avec le choix du commentaire. Ils annoncent tous la même chose, avec ce sens du détail faussement neutre si caractéristique : cadavres calcinés, certains disent qu’ils étaient peut-être encore un peu vivants, des enfants qui rient et traînent des cadavres, en pendent deux, les dépendent, font mumuse, n’en jetez plus, ah c’est ignoble.
Les images, bien sûr, sont là. On les sortira si besoin est. J’ai personnellement tendance à croire qu’on risque de les voir un peu plus maintenant que l’on entend mentionner de loin qui étaient les membres du convoi, tous citoyens américains, pas des militaires, nous précise-t-on régulièrement. Des civils, qu’on nous dit, ils massacrent des civils ! Dans la foule, un Irakien crie « agents de la CIA ! » Oh probablement pas. Anciens agents, tout au plus. Bérets verts, NAVY SEALs, Marines, vétérans des commandos britanniques ou du bataillon 32 sud-africain, la plupart des victimes de l’attentat de Fallouja étaient membres de Blackwater U.S.A., une compagnie militaire privée (CMP), le nom en vogue qui désigne les organisations internationales de mercenaires. Bienvenue au XXIème siècle.
War Pigs
Les mercenaires ne sont pas une nouveauté. Sans avoir besoin de remonter très loin, leur présence dans les conflits internationaux n’a jamais cessé, quelle que soit l’appellation sous laquelle ils sont désignés ; si les français se rappellent Bob Denard [1], ils se rappellent aussi que derrière l’image vaguement romantique du guerrier à louer se cachent souvent les sales manœuvres de politique étrangère de nos belles démocraties, quand la politique coloniale se montre tellement dirigée par des soucis économiques que même envoyer les casques bleus sous quelque excuse humanitaire que ce soit ne pourrait faire illusion. Denard a pris une part majeure dans la destabilisation des Comores, participant à quatre coups d’Etat avant que la France ne se décide à mettre son vieux soldat à la retraite, au grand dam des gaullistes historiques. Ils savent bien à quoi servent les soldats de fortune : ils renversent les gouvernements du tiers-monde quand leurs pendants occidentaux ne peuvent décemment pas s’en charger eux-mêmes. Dernier exemple en date, ah mince encore raté : les 65 mercenaires arrêtés il y a trois semaines au Zimbabwe et en Guinée Equatoriale, pays dirigés respectivement par Mugabe et Nguema.
La petite troupe composée d’anciens militaires sud-africains et britanniques se dirigeait semble-t-il, vers la Guinée Equatoriale. Le chef présumé de l’expédition a annoncé qu’il avait été engagé par Severo Moto Nsa, opposant au régime du président Nguema à l’origine d’un autre coup d’Etat raté en 1997 [2] et réfugié en Espagne. Intéressant, quand les mercenaires sont accusés de liens avec les services secrets britanniques, espagnols et américains. Le gros de la troupe arrêtée au Zimbabwe dit travailler pour les services de sécurité de compagnies minières au Congo. Ils seront bientôt jugés au Zimbabwe, dont le président doit se réjouir de l’aubaine. Ostracisé par la communauté internationale après l’instauration de lois d’expropriation pour le moins racistes, Mugabe a l’occasion de se montrer comme la victime d’intérêts étrangers. Le sentiment xénophobe au sein du pays paraît s’être accentué.
C’est aussi qu’ils sont probablement connus comme le loup blanc, nos amis des CMPs, dans les pays du tiers-monde. Ils sont partout ; ils assurent en effet la sécurité pour les entreprises de profit de guerre, les entreprises de reconstruction telles la sinistre Halliburton [3], font les gardes du corps dans les pays à risques, font le coup de poing, assurent des opérations de police, de protection, etc. Les gardes du corps d’Aristide etaient ainsi membres de l’une de ces organisations américaines (voir ici en anglais). Intéressant de constater que ce même gouvernement a refusé de laisser partir des renforts une semaine avant le renversement d’Aristide. Ils collaborent plutôt bien d’habitude. Tout porte à croire que la Steele Foundation de San Francisco chargée de la protection d’Aristide avait des intérêts conflictuels avec ceux des Etats-Unis. C’est assez rare pour être noté. C’est que nos petites entreprises, pour être des hérauts du libre-échange, n’en doivent pas moins obtenir des autorisations de la part des gouvernements dont ils dépendent pour agir. Pas cette fois, essaye encore. Je ne commenterai pas sur le nom de famille de leur représentant, Kurtz. On le soupconne d’avoit été colonel. Ha ha.
La Horde Sauvage saute sur l’Afrique
Avec ses guerres, ses interventions, le gouvernement américain et ses alliés exportent aussi leur idée du marché. C’est le libre-échange appliqué aux opérations de police. Comme pour le reste, les lois du marché ne s’appliquent que lorsqu’elles peuvent servir, si possible aux autres, et plutot de force. Comme tout service, le mercenariat se monnaye, s’argumente, se publicise. L’une des batailles que ces organisations cherchent à gagner se dféroule sur le terrain des relations publiques. J’ai tendance à n’écouter que NPR, la radio publique américaine, et en trois semaines des représentants y sont intervenu trois fois. Le travail des mercenaires modernes n’est pas différent de celui de leurs ancêtres, mais ils ont entre temps découvert la pub. Leur appareil médiatique est chargé de les faire disparaître derrière l’image qu’ils affichent, une image qui doit moins aux condottieres médiévaux qu’à leur pendant outre-Atlantique : les chasseurs de prime et autres winchesters à louer du cinéma.
Ce que les CMPs nous disent, c’est que comme Pike Bishop et les salopards de la Horde Sauvage, les organisations militaires privées font un sale boulot mais ont une déontologie, elles aussi. Il suffit pas de mettre du pognon sur la table et hop allons-y dis-moi qui je te bousille. Non. Les mercenaires ont aussi des sentiments voyez-vous. Ainsi Sandline International, entreprise de mercenaires basée en Angleterre, qui connut ses premières 15 minutes de gloire en 1998 après son action aux côtés du gouvernement de la Sierra Leone pour repousser une tentative de coup d’Etat. La vente d’armes au gouvernement, illégale sous les régulations onusiennes, est effectuée malgré tout sous l’oeil bienveillant du gouvernement britannique. La manœuvre éclaboussa un temps le Foreign Office du gouvernement Blair lorsque les liens entre Sandline et le Mi6 devinrent trop évidents. Et puis c’est comme tout hein, le scandale Arms-to-Africa s’éteint aussi rapidement qu’il s’était allumé, ni vu ni connu j’t’embrouille.
Mais Sandline International continue. L’occasion est trop belle. Le Colonel Spicer, dirigeant de l’organisation, ne rejette pas le terme de mercenaire ; ce qui le gêne, explique-t-il, c’est la connotation de chien de guerre. Ils sont pas comme ça eux. A S.I., on déconne pas avec l’éthique : ils préfèrent bosser avec "des gouvernements reconnus au niveau international (et si possible élus démocratiquement(!)) , des institutions internationales comme l’ONU, et des mouvements de libération authentiques, soutenus et reconnus au niveau international, qui soient légaux et moraux […] si possible qui agissent en accord avec les grandes lignes politiques des principaux gouvernements occidentaux." [4] Ils ne traficotent pas avec "les régimes sous embargo, les organisations terroristes, cartels et trafiquants de drogue, trafic d’armes illégales, proliférations d’armes chimiques et nucléaires", ils respectent les droits de l’homme et la convention de Geneve. Nous voilà rassurés. Qui sont donc ces guerriers du futur ? ils travaillent pour les good guys comme dirait Tony Blair. C’est plutôt clair. Spicer aime présenter sa petite armée comme "une sorte de légion blanche menant une croisade morale à travers le monde en essayant d’en débarrasser les méchants." Quand il parle de légion blanche il veut dire exactement cela : les cadres de Sandline sont tous blancs, les hommes de pied se recrutant principalement en Angola et au Mozambique [5], Congo belge style.
Trois petits tours et puis reviennent
Les compagnies militaires privées sont, nous assurent leurs chefs, le futur des conflits sur cette planète ; et pour éviter qu’on ne les prenne pour des porcs de guerre, ils en appellent à l’ONU pour réguler leur existence et leur fonctionnement. Ben voyons. Ils veulent sûrement dire l’OMC. Mais non, malgré les apparences, essayent-ils de nous susurrer à l’oreille, si nous travaillons si étroitement avec les gouvernements occidentaux, ce n’est pas parce qu’ils ont plein de tune, c’est parce qu’on les aime. Ca explique tout. Ce n’est pas non plus parce qu’ils ont gardé de bons contacts avec leurs anciens employeurs, pour qui ils barbouzaient déja en toute impunité avant de se recycler dans la libre entreprise. Intégrité, éthique, quand je tue quelqu’un j’aime pouvoir me regarder dans une glace. Quand je travaille pour un dictateur africain, je vérifie d’abord qu’il est approuvé par la Maison Blanche. L’un des grands credos de l’économie libérale, la sous-traitance, est appliqué cérémonieusement par le gouvernement Bush Jr. à tous les compartiments de la vie politique, et notamment à la grande entreprise gouvernementale, le maintien de la pax americana. Halliburton est responsable de la nourriture des G.I.s, mais certaines de ces entreprises sont chargées de l’entraînement des troupes américaines, les encadrent sur place. On est reconnaissant, chez les porcs de guerre.
Les CMPs font dans le consulting militaire. Leurs spécialités sont diverses et elles ne vont pas toutes jusqu’à proposer leurs services pour le combat. Mais elles recrutent toutes dans les mêmes réseaux : les anciens des forces spéciales de tous pays, une fois sortis du service, montent leurs compagnies privées ; le gouvernement (américain, britannique, français, remplis les blancs) les réengage, tout le monde est content, ces compagnies travaillant aussi souvent pour de gros conglomérats tels Halliburton, qui se trouve être contracteur pour le gouvernement américain, gouvernement américain dont le vice-président Dick Cheney fut président d’Halliburton, allons encore un petit tour ? L’ombre du complexe militaro-industriel se profile, il effraie les enfants, c’est un monstre qui porte le trois-pièces et la casquette d’aviateur, croquemitaine de la politique moderne, invisible…
Ma Winchester est a louer
Enfin, invisible ; il se donne en représentation. De nos jours, il hésite entre Alain Delon et Yul Brynner. C’est classe, ça évoque quelque chose pour tout le monde : Delon pour le Guépard, Brynner pour les Sept Mercenaires. Le Guépard parce que la devise que l’on trouvera en filigrane dans les grandes déclarations de ces entreprises d’un genre si vieux est elle aussi vieille comme l’oppression : "il faut que tout change pour que rien ne change et que nous restions les maîtres." Pas la peine de se cacher ; clairement, il s’agit d’être du côté des gentils. Ils écrivent le scénario. Pour ceux d’entre vous qui se demanderaient comment les CMPs différencient un gentil Sierra Leonais d’un méchant, la réponse est aussi sur le site : le gentil a des mines de diamant. Ah et puis ça ne mange pas de pain, il est prêt à rétablir des contrats intéressants avec la Grande-Bretagne. Allons-y les gars, c’est pour la bonne cause… vous aussi vous pouvez comprendre ça, voilà pourquoi les CMPs font dans la communication de masse, maintenant.
On verra plus d’un mercenaire enlever son chapeau et gratter son crâne chauve d’un air pensif, de nos jours. Ce sont les jours d’introspection ; les mercenaires aussi se posent des questions sur leurs actions. Ces questions, ils se les posent face à nous, on peut les regarder dans les yeux, on peut les regarder se regarder dans les yeux ; les mercenaires interrogent leur image en notre présence. Le code de conduite que l’on peut trouver sur le site de l’International Peace Operation Association affirme bien haut la volonté de transparence des CMPs. On est peut-être des guerriers mais on fait pas n’importe quoi ; on a le sens de l’honneur de l’Ouest sauvage, oui monsieur. Si les mercenaires peuvent se permettre une telle franchise c’est que leurs valeurs sont connues de tous. La bonne foi et le franc-parler du cowboy, c’est le standard de politique internationale érigé par George Bush.
Ca marche bien à la télé pourquoi s’en priver ? Quand le président des Etats-Unis lance des wanted internationaux réclamant des têtes terroristes, mort ou vif ; quand on érige la morale du Far-West comme credo pour les relations internationales, on voit bien vite apparaître les chasseurs de prime.
Ces films-là, on les a vus, ces personnages on les connaît bien ; ils n’ont pas forcément bonne presse. Les chasseurs de prime travaillent parfois comme supplétifs à un sheriff plus ou moins corrompu, mais ils travaillent aussi plus souvent pour le caïd local, celui qui fait trimer les enfants par 2000 m de fond dans la mine d’or de Stone Gulch, sous le regard impassible de la loi. La propriété privée et le droit d’entreprise, c’est sacré. Mais sous cette carapace de plomb, il y a des hommes, voyez-vous. De temps en temps il s’en trouve qui travaillent pour un bol de riz, pour l’honneur, pour la veuve, l’orphelin, pour trois fois rien, ils te protègent des ONG humanitaires et tout et tout parce que les droits de l’homme, c’est aussi ça leur boulot. C’est l’effet Yul Bryner ; ne vous empêchez pas de rêver, sous tout salaud existe un homme qui souffre, qui pense, qui se pose des questions. C’est pas un boulot facile, mercenaire, mais c’est pas des animaux, non plus. Au final ils gagnent un bout de pain et le sourire des enfants, mais c’est surtout ça qui compte pour nos mercenaires, c’est le sourire des enfants.
Les gentils portent un chapeau blanc
Nos gars, ils s’impliquent quand personne d’autre ne veut le faire. Nos mercenaires étaient partis défendre des mines et les voilà pris dans une bataille autochtone, ah la la les irakiens c’est pire que les Mexicains… Comment le mercenaire utilisera-t-il les images de Fallouja ? On y voit des enfants sourire en tabassant son cadavre encore chaud. Le métier n’est pas de tout repos. Yul Brynner fera bientôt son apparition, louant ses services pour une bouchée de pain, rappeler une fois pour toutes qui sont les méchants, qui sont les gentils. Les méchants ont une moustache ou un chapeau noir, ils lynchent et opèrent avec lâcheté et bassesse. Les gentils… on sait bien qui sont les gentils, non ? Ce sont des "civils" américains qui sont lâchement attaqués. Les images sont dures mais comment ne pas se sentir proche de la croisade de nos beaux cowboys ? Quand l’information aura fait le tour du monde plus personne n’en aura rien a foutre : resteront les images de ces cadavres incendiés, des mercenaires certes, occupant la ville en toute lourdeur quand les Britanniques avaient évité de trop s’imposer, s’installant dans une école oui, mais faisant leur difficile boulot : le maintien de la paix.
L’épisode de Fallouja passerait presque pour un écho inattendu au débat sur la Passion du Christ de Mel Gibson ? Est-ce vraiment bien raisonnable, ce déluge de violence ? Un argument souvent avancé par les fans : c’est réaliste mon pote, ça se passait comme ça chez Ponce Pilate, ça cravachait sère à l’époque alors hein. C’est dire comme ça bastonne à Bagdad en ce moment. C’est tellement bourrin les journalistes y se mettent tous ensemble manches retroussées la nuit à fumer des clopes en tapant sur la table, on publie ? on publie pas ? Attention cachez vos enfants ces images sont insoutenables. La fusillade la plus violente de l’histoire du cinéma. Une histoire de sacrifice, de gens qui font leur boulot pour leur patrie et pour la liberté, tout simplement, à leur manière.
On en fait un film, bien sûr. Un film avec Robert Ryan. On reconnaît avec force ce qu’on fait, mais on tempère. On fait des coupes et des flashbacks et des ralentis et du fond sonore, et pour rendre ça intéressant on met une histoire autour. En attendant qu’on décide de quoi que ce soit à leur sujet au niveau légal, les CMPs s’expriment. Ils réalisent. C’est pourquoi on se perd en conjectures sur le futur de ces images : c’est risqué pour la nouvelle superproduction de jouer la carte gore, comme ça, faut pas prendre les journalistes pour des caves, ils vont se demander ensemble si ce film est distribuable. En même temps ca peut attirer le pequin... choix difficile...
Le duel final
Le vent souffle des tourbillons de sable. Au loin, un harmonica fait monter la tension, les mains se crispent sur les crosses…On laisse deviner à demi-mots la véritable mission de nos cowboys de la Mésopotamie : une peu de finesse dans ce monde de brute, un peu du sens de l’honneur qui a bercé la conquête de l’Ouest américain, un peu de western bordel, un peu d’Eastwood et de John Wayne et de Cooper. La conquête de l’Ouest est un exemple dans son étonnante capacité à se construire des mythes sur mesure. La justice de l’Ouest n’est pas un combat équitable où deux mâles se font face dans la grand rue, que le meilleur gagne, façon jugement de dieu : la justice de l’Ouest monte des posses, groupes sans aucune légitimité ni légalité autre que l’affirmation répétée de travailler pour le bien. Les posses traquent l’ennemi et l’abattent si possible, éventuellement le pendent haut et court à une branche pour l’exemple. Les CMPs, c’est le chasseur de primes, c’est les casseurs de grève de Pinkerton engagés par le shérif. Notre western ne souffre pas des retournements, rebondissements, attaques formelles et stances postmodernes qui auront fait les délices des spectateurs de la Horde Sauvage. Si l’on se prend au jeu, si l’on écoute les porte-paroles de ces organisations, on est tenté de se laisser bercer au doux son de leur voix, on se prend à croire à la possibilité d’un monde meilleur où les états ne sacrifient plus leur jeunesse mais laissent des associations de gentlemen guerriers arranger ça dans les règles de l’art, au nom du code d’honneur ineffable de tout bon héros de western, celui qui sauve les plus pourris au meilleur moment. Ca ne marche pas comme cela, bien sur, mais on peut rêver...
Et c’est tout ce qu’ils demandent. On utilise les conventions du western pour dissimuler le vrai film qui se déroule sous nos yeux : c’est encore une adaptation, un brin de Philip K. Dick pour de grands coups de Tom Clancy. Vous vous rappelez, c’est lui qui avait déjà écrit sur une attaque suicide d’avion de ligne. Dans ses livres de grands héros occidentaux avec des couilles au cul se chargent de remettre le monde dans le droit chemin et tabassant les méchants. Accrochez-vous à votre siège, on est entre de bonnes mains.
Prochaine étape : le space opera.