Les Bisounours n’existent pas !

, par hermann

Santiago Sierra a fait son foin à l’expo Hardcore du Palais de Tokyo. Ce "nouvel activiste" fait se pâmer certains.

Bon, me revoilà après quelques temps d’absence, pour vous parler d’un certain Monsieur Santiago Sierra, artiste très tendance, très Paris, "ça c’est Paris !" (comprenne qui pourra), mais surtout très polémique, enfin bref comme vous allez le voir, un artiste qui porte à merveille ses initiales.

C’est que ce gars-là a trouvé un super concept ; amener les SDF, les sans-papiers et des junkies dans les musées, sous promesse d’un salaire d’environ 50 euros par jour (ou pour un peu d’héro, c’est au choix), pour vous cirer les pompes (littéralement), faire des trous dans une colline, ou se faire tatouer une ligne dans le dos (très nazi fashion, quoi). Il amène la lie de l’humanité chez les bourgeois du XVIème pour faire prendre conscience à ceux-ci qu’il y a autre chose que Fauchon dans la vie, tout de même.

Monsieur S.S., lui, ce qu’il en dit, c’est qu’il est un grand activiste, et qu’il surfe sur l’ambivalence de son oeuvre parce qu’il faut pas déconner quand même, "babe, it’s art !" En fait Sierra dit qu’il est là pour dénoncer les effets pervers du capitalisme en montrant aux gens ce que les damnés de la Terre sont capables de faire pour une poignée d’euros. "Les limites sont déjà tracées et, comme pour tout le monde, les miennes sont celles du capitalisme. L’objet d’art n’est pas innocent ", précise-t-il, des fois qu’on ait cru qu’il est au-dessus de tout ça. Le seul problème que je vois là-dedans, c’est que dans son trip, Sierra critique en prenant la place très confortable du patron, qui jette l’aumône à ses gens. Il est vrai qu’il est plus facile de critiquer quand on sait exactement de quoi l’on parle ; mais en tant qu’activiste, peut-il encore se regarder dans une glace ?

Je l’avoue maintenant, notre artiste n’est pas la raison première de mon article : j’avais plutôt envie de parler de l’article le concernant paru dans le sulfureux Beaux Arts Magazine (vous me direz, pourquoi lire B.A.? Ah...). Le charmant Nicolas Bourriaud a signé un article sur Sierra dans le BAM n°228 de mai 2003.Ce qui me chiffonne tout particulièrement dans son article, c’est la conclusion, et dans cette conclusion cette phrase : "Je n’attends pas d’un artiste qu’il me dise quoi penser, étant assez grand pour m’acquitter seul de cette tâche (eh ben Nico, tu m’en vois bien rassuré) mais qu’il me montre le monde sous un jour nouveau et en cela l’oeuvre de Santiago Sierra m’apparaît bien plus importante qu’ue centaine d’artistes pseudo-activistes avec lesquels je fraterniserais volontiers dans les manifs, mais pas dans les centres d’art". Cet article a semble-t-il été écrit à la suite de l’apparition de Sierra à l’expo Hardcore [1] du musée bobo squatt du XVIème, j’ai nommé le Palais de Tokyo. Nico attendait apparemment depuis longtemps qu’un Sierra lui ouvre les yeux à grands coups de nazi art.

Il semblerait que Nicolas Bourriaud vivait peinard dans le monde tout doux des Bisounours, jusqu’au jour où son papa lui a dit : "hé non Nico, désolé, après 32 ans il faut bien que je te le dise... Les Bisounours n’existent pas... Nous vivons dans un monde bien cruel". C’est peu après qu’il a rencontré Sierra, qui lui a montré le monde sous un jour nouveau qui devait durer mille ans.

Depuis, malgré ce qu’il en dit, je pense que l’activisme, le capitalisme, tout ça, il en a un peu rien à foutre, las de discuter de ses effets pervers sur les gueux. De quel jour nouveau nous parle-t-il donc ? On n’avait pas attendu S.S. pour apprendre qu’on vivait dans un monde un peu KK, voire KKK, parfois, désolé Nico, et on n’a pas besoin d’engraisser l’ami Sierra de thune plus qu’il ne l’est déjà pour qu’il s’amuse à jouer les Seillières dans les musées, sous couvert de "critique du capitalisme" (non mais franchement...).

Enfin bon voilà. Sur ce, Nico, quand la terrible réalité de ton monde nouveau t’aura bien épuisé, je te donne rendez-vous chez Mickey, on y mangera des nuages.

P.-S.

Site décrivant une des expos de Sierra.
Page de Sierra sur le site du PT.

Notes

[1A PROPOS DE L’EXPO HARDCORE - NOTE DE LP
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Soyons positifs : je ne vais pas résumer rapidement tout le mal que je pense du PT (de tous) et de l’exposition pour me concentrer sur le seul truc qui ait vraiment relevé mon attention dans ce fatras (bon certains ont fait sourire comme le sarkozymaniak ou d’autres etaient sous exposés (genre les Guerrillas Girlz au poteau) ) : le travail vidéo de Johan Grimonprez "Dial H-I-S-T-O-R-Y" 1995-97. Sur fond de lecture d’extraits de bouquins de Don Delillo ("White Noise", "Mao II) il présente une espèce de documentaire sur l’histoire des détournements d’avion questionnant au passage leur médiatisation, l’histoire de la construction de la représentation des catastrophes ainsi qu’un certain rapport romantique au terrorisme. Fascinant.