Match nul a domicile- rejoué le lendemain

, par Alfred

J’ai été voir le concert du siècle le 23 Juin et j’en ai toujours pas parlé à mes amis. Je n’ai appelé personne en PCV pour leur mettre la haine, j’ai même pas appelé ma mère. J’ai vu le concert du siècle et la première conclusion que j’en tire, c’est que les théâtres ne sont pas forcément les meilleurs endroits où s’épanouit le rock n’ roll.

SHELLAC-THE EX-FUGAZI-SOLD OUT

C’est dans une ambiance de folie que j’arrive à Chicago en un après-midi de juin comme on n’en vit que dans la jungle, croyais-je, mais non. Deux heures et demie d’autoroute plus une autre demi-heure dans Chicago pour trouver la salle, par 35°C, Illinois terre de contrastes.Il fait chaud, ça sue, mais ça sue urbain, et je sais qu’on n’est pas loin parce que ça sue jeune et alternatif d’un coup, flopées de shorts et de piercings et casquettes, et d’un coup une queue comme on n’en voit que dans les films, espèrent-ils acheter des tickets, se jeter aux genoux des étranges stars de ce concert : le groupe alternatif le plus hype de la région, depuis ses débuts, Shellac, la superproduction de Monsieur Albini de Chicago lui-même, le grand monstre des studios de la marge musicale grande distribution, monsieur Pixies-Nirvana-etc. Il invite chez lui les grands-pères du genre, les Hollandais the Ex, mais aussi et surtout la légende vivante du punk qui dit des trucs, le groupe devant qui on baisse son chapeau, le groupe dont le nom signifie intégrité, Fugazi, de son Washington DC natal, pour présenter encore un nouvel album.

Des sièges en cuir et juste devant la scène, là où on met sûrement l’orchestre d’habitude, dans la fosse, ceux qui le veulent peuvent rester debout et se battre avec leurs voisins pour voir un peu du crâne chauve de monsieur McKaye, ou aller s’asseoir debout comme tout le monde (un concept que j’expliquerai).
D’ici peu Shellac et the Ex et Fugazi vont jouer. La grande question est dans quel ordre. Albini vient de Evanston, une petite banlieue plutôt bien sapée, fait du rock dans les sales ruelles de sa ville, un peu comme tous ceux venus le voir. Les tables de littérature et Tshirts anarchistes dans les couloirs font assez marrer. Il n’y a pas de t-shirt de groupe à acheter. Le seul dit : Fugexlac what more can i say. Mais un t-shirt anarchiste ?
Au final, c’est les régionaux de l’étape qui commencent.
Les enfants du pays entament un set qui finalement leur ressemble positivement, si vous me permettez : beaucoup de bruit, chant inaudible, une basse qui tranche tout le bordel de la guitare le tout sur fond de métronome humain. Court, un peu plus d’une demi-heure, on reste sur sa fin, ok il y a deux autres groupes mais quand même. On aurait aimé un peu plus des mega-hits qui les ont rendus célèbres, et la moindre des choses eut été de nous interpréter leur hit single actuel, la prière qui fait aimer Dieu, on aurait aimé ca, ca et puis Copper, personnellement, mais il y en avait d’autres.
Mais Shellac s’en fout, ils sont chez eux,tout le monde connaît leurs chansons et ici My Black Ass est accueillie comme, je sais pas moi, comme il se doit j’imagine, au point ou ils en sont, ils pourraient sûrement venir faire des reprises de Mizoumizou au canon à eau que ca convaincrait les foules, ils sont là pour les copains, si c’est pas sympa, ça, monsieur Albini est resté humble et présente ses amis hollandais, tellement rapidement qu’on ne demande même pas de rappel. Ou peut-être, pense-je dans un instant d’effroi, peut-être qu’on ne RAPPELLE pas Shellac.
On ne le saura sûrement jamais.

Tu quoque, Albini ?

Et là d’un coup, comme les hollandais volants prennent la large scène et que je les vois et les entends de plus loin une pensée s’impose a moi : Albini les a tous niqués. Le temps que prend la balance de The Ex me parait anormalement long, et quand ils commencent leur concert, tout s’explique. On n’entend que dalle, une espèce de purée sonore pleine d’écho d’où ressortent les voix quand elles sont toutes seules, ou les passages qu’on aime bien si on connaît la chanson. C’est vite pénible. Une fois sorti de la fosse à bras en l’air devant la scène, on ne comprend plus rien. C’est là qu’on se tient debout assis, à savoir qu’on prend un des beaux sièges du théâtre et l’on reste debout tout le long du concert, devant son siège, à essayer de différencier la basse du tom basse.
Et rien n’y fera. The Ex s’en va sous un déluge d’applaudissements, mais je me demande si ce n’est pas juste une manière polie de les virer de la scène, mais peut-être pas. Peut-être que certaines personnes ont vraiment entendu la musique.
Va savoir.

Toujours est-il que quand Fugazi arrive finalement sur la scène du Congress Theatre de Chicago, je m’attend au pire. Et pire que le pire, c’est le moyen qui arrive. Leurs nouvelles chansons ne sont pas mauvaises. Il faut du temps pour s’adapter aux nouvelles chansons de Fugazi ces derniers temps. Seulement il faut ici s’adapter au fait que le son ne s’arrangera pas non plus pour les washingtoniens, qui arrivent sur scène à 5. Pour une raison que j’ignore, Fugazi joue maintenant avec deux batteurs sur scène, le deuxième batteur se contentant d’ailleurs généralement de jouer à l’identique du premier. Que se passe-t-il ? Après enquête, il s’avère qu’il y a environ trois ans ledit inconnu se pressentait déjà pour jouer sur quelques chansons. Trois, quatre ans, est-ce le temps qu’il faut pour remplacer Brendan ?
On ne le saura pas non plus. La prestation semble un peu artificielle d’un peu plus loin, là où tout ce qu’on peut discerner sont les rythmes de batterie et les hurlements de Ian McKaye au-dessus de tout le reste. Ca ne me déplait pas de ne pas entendre la version live de Arpeggiator. J’aurais aimé entendre la basse sur Waiting Room. J’aurais aimé reconnaître certaines chansons à la musique, et non aux paroles. Au final on est presque contents pour eux qu’il n’y ait pas de deuxième rappel.
Alors quoi ?

Résultats des courses

Shellac reste maître chez eux. Ces salauds là se feraient entendre loud and clear à trente kilomètres a la ronde.
Concert du siècle. Baaaah. Avec un peu de chance j’aurais des belles photos.
Le concert était sold out, ils ont du organiser une deuxième date le lendemain. Si ca se trouve, ils ont compris comment s’offrir un son décent pendant la nuit, et le concert du siècle a eu lieu le dimanche à la place.
Mais je me fais du mal....