A fleur de polar

, par _Biokill

Dans le genre polar lesbien, du moins bon et du un peu meilleur avec Stella Duffy et son héroïne Saz Martin.

Taraudée par la question, mais .[Biokill] pourquoi tu ne lis pas plus de livres écrits par des femmes, je me mets en quête ces derniers temps d’écrivaines de polar, bien que la peur du roman tasse de thé me torde le ventre (réflexion sexiste non étayée de faits - enfin faut voir ;) ).

J’avais avant que la question me soit formellement posée par les féministes de tous sexes qui m’entourent, déjà longuement parlé de Sandra Scoppetone (voir Sandra Scoppettone : des filles et des gâteaux au chocolat). Dans le genre roman lesbien, voici Stella Duffy.

Alors ça s’annonce tout d’abord tout à fait décevant avec le roman Beneath the blonde.
On me dira que j’avais déjà dit ça pour After Delores [1] qui à l’époque ne m’avait semblé d’un intérêt limité à sa description du milieu post-punk-plein-sida-années-80 new yorkais et à son héroïne lesbienne, comme si cet intérêt là ne suffisait pas à porter un récit et n’étais justement pas ce pourquoi ce livre est important.

Il faut parfois du temps pour intégrer que la construction d’une culture et d’une identité n’est pas égale à un repli communautaire excluant, mais peut aussi participer à un élan positif d’affirmation d’un soi individuel et collectif, de cette volonté de se faire un place aussi dans l’imaginaire et les représentations humaines majoritairement et presque uniformément masculines, blanches et hétérosexuelles...

Là où l’on dépasse cette démarche affirmative c’est quand le bouquin est bon. Ce que j’ai du mal à ressentir avec Beneath the blonde, sympathique bouquin au demeurant mais surtout pour le milieu de musiciens anglais qu’il décrit. Au delà, le personnage central est bien balbutiant. La chanteuse de Beneath the blonde, le groupe pop-rock anglais du moment se sent menacée et fait appel à Saz Martin, détective privée, pour lui servir de garde du corps. Elle reçoit de drôles de bouquets de fleurs, et puis, bientôt les morts s’accumulent dans son entourage.

Bon, sympathique mais pas terrible ce roman est la troisième apparition de la détective, bizarrement paru en France après Les effeuilleuses un roman d’une plus grande envergure, le premier de la série. On lorgne plus du côté d’une espèce de thriller érotique que du polar pur, style que Stella Duffy semble manier plus habilement, sans grandes effusions de sang (pas de cadavre avant la moitié du bouquin) mais avec une intrigue qui fonctionne et du suspens comme il faut.

On se prend alors à s’attacher au personnage de Saz Martin, son entourage. La narration plus psychologique que comportementaliste qui voit alterner différents points de vue, marche vraiment ce coup-ci, agrémenté de quelques scènes à faire rougir le monsieur qui lit par dessus mon épaule dans le métro. Saz est embauchée pour retrouver une femme énigmatique qui se fait appeler Septembre qui vient de disparaître, alors que son amie Maggie, comique célèbre, vit une histoire d’amour exclusive et dévorante... Comment cette Septembre gagne t-elle l’argent qui lui permet son train de vie et de faire ces aller-retours entre Londres et New-York ?

Les deux volumes sont traversés de manière égale d’une sensibilité évidente et d’une place particulière fait au corps, avec dans beneath the blonde, des descriptions marquantes des douleurs que lui laissent les cicatrices qui la parcourent. On retrouve cette écriture-peau à fleur de sensibilité dans un texte trouvé sur le site du passant ordinaire : Le corps cellulaire et signé par cette auteure anglo-néo zélandaise, Stella Duffy.

P.-S.

Les effeuilleuses, Stella Duffy, j’ai lu n° 5797,1999 - (Serpent à plumes 2001).
Beneath the blonde, Stella Duffy, Serpent noir 1998.

Notes

[110/18, 1994.