Joe R. Lansdale, Texas vrille.

, par Gratiane

Joe R. Lansdale est un écrivain. Texan. Heureux de l’être. Adepte des arts martiaux et des énormes steacks. Vous pourrez lire à son sujet qu’il a parcouru le monde, ou pour être plus exact, qu’il s’est au moins rendu aux quatre coins du Texas ! C’est certain, cet homme-là est un américain, un vrai. D’après lui, d’ailleurs, un texan, c’est ce qui se rapproche le plus de l’idée qu’on se fait d’un "américain". Et comme on s’en fait des idées, imaginez un peu le personnage… Ancré dans son état.

Voilà. C’est là tout ce que l’on peut sûrement affirmer à propos d’un auteur qui verse dans la SF comme dans le polar, quand ce n’est pas bien au-delà. Inutile, donc, de chercher à cataloguer Champion Mojo Storyteller

Pour preuve, jetez donc un œil à ce petit opus : Bob the dinosaur goes to Disneyland

Vous reconnaîtrez que les grands du roman noir ne nous ont pas habitués à ça. Et pourtant, le très respecté Mr Lansdale a largement trouvé sa place dans l’univers improbable du polar, avec entre autres, deux personnages récurrents : Hap Collins et Leonard Pine. Le premier est blanc, hétéro, tendance démocrates. L’autre est noir, homo… tendance, vous l’aurez deviné, républicains. Le décor est planté quelque part, dans le fin fond… du Texas.

Globalement, ces deux-là galèrent pas mal. Chaleur, poussière, jobs à la con. Les deux vieux potes sont régulièrement entraînés dans des histoires toutes plus glauques les unes que les autres, que l’on ne vous racontera pas ici. Ce serait gâcher le suspense… Mais ce que l’on peut vous dire, c’est que leurs conversations valent le détour, et que l’état des lieux qui nous est jeté en plein visage vaut son pesant d’or.

Il y a ces bleds qui n’accueillent toujours pas les noirs en centre ville… Aux alentours, dans quelques terrains merdeux et inondables, éventuellement. C’est que la guerre de sécession n’est pas finie pour tout le monde. Heureusement, et puisque la vie est belle, dans d’autres bleds, les blancs et les noirs se retrouvent… Dans des quartiers qui seraient presque convenables… Enfin… Si les autorités locales n’étaient pas gangrainées par quelques puissants enfoirés… Et, si elles voulaient bien faire leur boulot, en dégageant les vendeurs de came qui ont pignon sur rue… Elles permettraient à Leonard de ne plus s’adonner à l’un de ses rituels favoris : pousser des hurlements d’homme en colère et brûler les crack-house qui persistent à se reconstituer, là, en face de chez lui… C’est que, dans le meilleur des mondes, la came est revendue à des mômes, noirs pour l’essentiel…

Et puis, là-bas, sorti du racisme de base… normal, habituel, banalisé, qui survit à une vieille tradition de militantisme en cagoule blanches pointues, tout ça… Là-bas, on trouve aussi des pédophiles, qui enterrent des petits enfants sous les maisons… Des misogynes, qui boivent et qui mettent des grandes tartes à leur bonne femme… Des homophobes actifs, qui se tapent des petits pédés devant les caméras avant de leur péter toutes les dents… (Bon, ils font ça seulement parce que les films se vendent, hein… Sinon eux aussi ils préfèreraient
bosser à Disneyland
)… Et puis, d’une manière générale, toutes sortes de gros cons, qui ont cette particularité, puisqu’on est en Amérique, d’être armés…

Voilà pour l’ambiance. Histoires et langages sans détours… Vie quotidienne ponctuée par quelques hamburgers graisseux, ou autres cookies à la vanille… Lecture de "cul et nichons"… Pour le reste, impossible de vous faire part du style d’écriture, de l’humour, de la force des descriptions et des dialogues, autrement qu’en clamant : Lisez Lansdale… Lisez Lansdale absolument… C’est immense.

Notes

Autour de Hap et Leonard, vous pourrez lire ces polars :
- L’arbre à bouteilles, éd. Gallimard, coll. Série Noire n°2562, 2000, 350 pages. (Mucho Mojo, 1994)
- Le mambo des deux ours, éd. Gallimard, coll. Série Noire n°2592, 2000, 346 pages. (Two-Bear Mambo, 1995)
- Bad Chili, éd. Gallimard, coll. Série Noire n°2652, 2002, 330 pages. (Bad Chili, 1997)
Il y en a d’autres, mais tous n’ont pas été traduits… Pour ceux qui lisent l’anglais, le premier chapitre de leurs prochaines aventures se trouve ici :
Blue to the bone, chapter one
Lansdale est aussi, dans un style différent, l’auteur de ces polars :
- Juillet de sang, éd. Fleuve Noir, 1996, 315 pages. (Cold in July, 1989)
- Un froid d’enfer, éd. Murder Inc., 2001.
- Les Marécages, éd. Murder Inc., à paraître en novembre 2002.
Enfin, la liste exhaustive de ses œuvres les plus diverses, tous genres confondus, se trouve sur son site, quant aux traductions, c’est très variable…